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Hervé finissait sa valise quand sa femme, Maria, entra dans la chambre. C’était une jolie femme blonde avec des yeux bleus, elle portait sa robe à franges rouge, sa préférée. Elle avait trente ans depuis deux semaines, autant dire que pour un quinquagénaire comme lui il y avait une différence. Ils s’étaient rencontrés lors d’une croisière autour de l’Afrique, Hervé l’avait accosté, disait-il toujours, au bar du bateau et avait fait connaissance. Elle était gynécologue et travaillait depuis dix ans dans le même cabinet.
Elle s’approcha de lui, remis ses cheveux derrières ses oreilles d’un geste familier, un geste que Hervé aimait beaucoup, et lui demanda :
- Es-tu prêt ?
- Oui ça devrait aller pour la valise, répondit-il en bouclant celle-ci.
- On doit passer prendre John à l’aéroport, il arrive dans 10 minutes, ajouta-elle. Dépêche-toi.
Il acquiesça et descendit l’escalier en sa compagnie, la valise à la main. Maria lui passa un sac à dos avec quelques choses pour manger. Hervé pris les clés de la voiture, une Bentley qu’il avait acheté il y a cinq ans de cela en Angleterre, il mit la valise dans le coffre, puis démarra la voiture pour quitter le parc du manoir des Maturin.
La ville défilait sur les côtés, des grues, des aménagements, des constructions. Du côté du port ils aperçurent au moins quatre tankers amarrés au plus grand quai de France. Le chantier naval crachait ses bateaux à chaque heure. La Corse était devenue une des plus grosses puissances industrielles de France en quelques années. Ils virent des soldats se ranger, sortir, courir, s’entraîner, il y avait maintenant une grande caserne. Le monde n’était plus comme il l’était avant.
Ils arrivèrent à l’aéroport de Bastia, où John les rejoignit pour le voyage vers un aérodrome privé où leur commanditaire les attendait avec un jet privé.
- Salut tout le monde, dit-il en grimpant dans la voiture.
- Bonjour, répondit le couple.
- Alors c’est parti pour la grande aventure, s’amusa-t-il. Star Wars !!
- Je ne sais pas si ça va être si passionnant que la saga, sourit Hervé, par-dessus son épaule.
- Oui vous ferez attention ? demanda Maria, inquiète du voyage qu’ils entreprenaient.
- Ne t’inquiète pas, la rassura son mari en posant une main sur sa cuisse.
Elle sourit et tourna le regard vers la route. Ils avaient quitté la ville pour s’aventurer dans les forêts corses.
Quelques minutes découlèrent puis ils débouchèrent enfin sur un grand plateau d’herbe, d’où la vue était absolument splendide. Un bimoteur était garé à droite, moteurs éteints. Hervé gara la voiture et ils descendirent. John courra vers le bord du précipice et observa le panorama, il n’y avait que verdure sur le côté gauche, des arbres gigantesques, une forêt luxuriante et épaisse. Mais sur celui de droite, la vue était brouillé par un nuage noir pollué, les citadins gagnaient du terrain sur le reste de nature de la Terre, cette Terre écorchée par l’Homme.
- John ! appela Hervé en indiquant un bâtiment non loin de là, il devait être la tour de contrôle.
- J’arrive, dit-il.
Un homme, en costume et cravate noirs, sortit de la tour de contrôle et s’approcha d’eux :
- Mes amis ! s’exclama-t-il s’un sourire radieux.
- Je n’en dirais pas autant, chuchota John à Hervé. Ah salut !
- Alors le voyage jusqu’ici pas trop long ?
- Non ça va, le paysage est beau, de ce côté-ci, dit Maria en montrant le coté gauche de la vallée.
Il ne prêta aucune attention à sa remarque et ajouta :
- L’avion décolle à 19h tapante, vous avez dix minutes pour dire au revoir à votre femme.
Il s’en alla en riant devants les yeux du trio.
- Je ne l’aime pas beaucoup cet homme, fit John en le regardant s’éloigner.
- Ma chérie… commença Hervé en se tournant vers sa femme. Tu vas me manquer, je penserais à toi.
- Oh reviens vite, répondit Maria en le serrant dans ses bras.
- Nous serons là dans cinq mois, ajouta John. Comme prévu.
Ils passèrent les dix minutes restantes assis au bord du plateau à contempler la forêt baignée de chaleur orangée que produisait le soleil du soir.
Derrière eux les deux moteurs de l’avion se mirent à vrombir, et l’homme les siffla. Ils s’approchèrent de l’avion, les cheveux volaient, les herbes s’arrachaient, Hervé embrassa sa femme une dernière fois et s’engouffra dans l’appareil suivit de John puis de l’homme en costume, qui salua Maria d’un geste de la main avant de fermer la porte du bimoteur. L’appareil se mit à rouler et vint se mettre dans l’alignement de la piste en direction du vide. Maria saluait son mari quand l’avion accéléra brutalement et les roue quittèrent le sol de la Corse pour les Etats-Unis. Hervé regarda sa femme devenir de plus en plus petite puis
disparaître, semblait-il, pour l’éternité.
Au bout de quelques minutes, la voix du pilote-capitaine se fit entendre :
- Nous avons atteint notre altitude de croisière, vous pouvez détacher votre ceinture, bon voyage.
Le message se termina par un léger grésillement et Hervé commença à observer l’intérieur de l’appareil. L’arrière constituait un bar avec quelques verres et des bouteilles, le milieu gauche était une table entouré de deux chaises, une à l’avant où était assis John qui observait la Corse, et une à l’arrière de la table, le milieu droit n’était qu’une banquette de cuir rouge, où Hervé s’était couché, situé près de la porte, les WC était situé, eux, juste avant la cabine des pilotes. Une hôtesse approcha et leur proposa :
- Désirez-vous quelque chose ?
- Euh… Juste une limonade, s’il vous plaît, répondit Hervé.
- Bien, et vous ?
- Hein ? Oh ! Euh... Un verre de vodka me suffira, dit John en sortant de sa rêverie.
- Bien je vous apporte ça tout de suite.
Elle se dirigea vers le bar, tandis que l’homme du gouvernement arriva dans la pièce et s’assis sur la chaise à l’arrière, il s’exclama :
- Joséphine, deux vodkas !
- Bien monsieur.
Il s’adressa aux deux arrivants, en posant deux CV sur la table :
- Professeur Hervé Maturin, spécialisé en sociologie de l’homme, et docteur John Town, spécialisé dans la génétique. Vous avez été appelé par le Service Gouvernemental de Recherche, le SGR, pour mener une opération très importante sur une galaxie inconnue. Votre mission cons…
- C’est bien tout ça, mais on le sait déjà ! s’exclama John. Dîtes-nous déjà qui vous êtes.
- Bien, calmez-vous, je suis Mr. Radya, un agent gouvernemental au service de Mr Klyhn, dit-il calmement.
- Ah ce mec je lui ai envoyé mon rapport sur la sociologie humaine, il y a six jours, je ne savais pas à qui j’avais à faire ! s’exclama Hervé.
- Voici une limonade pour monsieur, et deux vodkas pour ces messieurs, s’interposa la servante. Ce sera tout ?
- Oui, dit Mr. Radya d’un air agacé et en lui faisant signe de s’éloigner.
- Merci, dirent les deux scientifiques en souriant.
- Bien, je disais donc : votre mission consistera à vous faire connaître parmi les habitants de certaines planètes de leur galaxie et d’étudier leur fonctionnement social pour vous M. Maturin et d’étudier leur génétique pour vous M. Town. Ce sera un jeu d’enfant et vous repartirez dans vos familles.
- Et pourquoi nous avoir choisis, nous ? intervint John en laissant sa gorge bruler sous l’effet de la vodka.
- Parce que vous êtes compétent, répondit simplement l’agent.
John n’était pas convaincu, Hervé le voyait sur son visage.
- Bien il nous reste sept bonnes heures avant d’arriver, je vous conseille de dormir un peu. Levez-vous deux secondes.
Sur ce, il appuya sur un bouton encastré dans l’avion et les deux chaises puis la table se rangèrent pour laisser au canapé la place de s’étaler sur deux mètres de largeur. Il finit son verre d’un trait et se dirigea vers la cabine des pilotes, pour claquer la porte derrière lui. Les deux amis restèrent debout un moment, sans réaction, jusqu’à ce que John lâche :
- Ce type est louche, je te le dis !
- Peut être bien mais on n’a plus le choix maintenant, répondit Hervé en s’asseyant sur le grand lit.
Ils se couchèrent après avoir fait coulisser et verrouiller les portes qui les séparaient du bar et de la cabine. Hervé n’eut pas trop de mal à s’endormir mais John était tracassé et changeait de position toutes les cinq minutes.
Dans la cabine, Radya regardait les nuages bleutés quand un pilote le tira de ses pensées, c’était le capitaine :
- Alors, ils en ont pensés quoi ?
- Il y en a un qui doutait et qui doute toujours à mon avis.
- Je n’aimerais pas être à leur place.
- Je ne vois pas se que t’aurais foutu là où je les emmène !
- Tu les emmène où ?
- Directement dans la merde, s’amusa-t-il en riant. Ils croient qu’ils vont s’amuser !
- Mais s’ils échouent ?
Radya sortit de sa veste un objet sombre qui se découvrit à la lueur de la Lune, à la grande stupeur du capitaine et ajouta :
- S’ils échouent ? Ils ne reviendront jamais sur
Terre.
Il termina sa phrase par un rire machiavélique à glacer le sang. Le capitaine déglutit et retourna à sa tâche, tandis que Radya rangeait son Beretta dans son holster.